Certains thèmes semblent usés dans la fiction juridique. L’histoire d’un bon avocat qui fait plier une grosse société à l’éthique douteuse, malgré les obstacles apparemment insurmontables qui se dressent sur son chemin, a été visitée, revisitée et mise à toutes les sauces. John Grisham est bien au fait de cela, mais pendant que son roman « Les Partenaires » contient tous les ingrédients d’une histoire classique de David contre Goliath, il s’avère être bien plus que cela.
C’est vrai, le héros principal du roman est un David. David Zinc, 31 ans, avocat d’entreprises, qui a passé les cinq dernières années de sa vie à trimer pour Rogan Rothberg, un prestigieux cabinet d’avocats de Chicago, qui est « cinquième par le nombre d’heures facturées par avocat … premier si l’on compte le nombre de nazes au mètre carré ». Un matin, il en a eu assez, il prend alors l’ascenseur pour se rendre au 93e étage, où il travaille, et passe le reste de la journée joyeusement bourré. Après cette petite incartade, il se retrouve dans un cabinet d’avocat médiocre à l’éthique douteuse fondé par deux associés : Finley & Figg. Décrit comme la « boutique » par les deux partenaires, la vraie spécialité de Finley & Figg est le droit des dommages corporels – de vrais chasseurs d’ambulance !
Ayant désespérément envie de changer de vie, David, diplômé en droit d’Harvard, décide de rejoindre la « dernière division » et les persuade de l’embaucher. Il se retrouve rapidement mêlé aux affaires tordues de Wally Figg qui consiste à se faire beaucoup d’argent en rejoignant un recours collectif contre le médicament anti-cholestérol, le Krayoxx, du géant pharmaceutique Varrick Labs, médicament qui serait à l’origine de crise cardiaque et d’accidents vasculaires cérébraux.
Wally et Oscar sont loin d’être le prototype du bon petit avocat véreux. Ils sont plus sournois, ce qui les rend remarquablement amusants. Wally est un alcoolique portant une grosse arme de poing, couche avec une jolie cliente qui n’a pas les moyens de le payer et est l’auteur de réclames décoiffant du style : « Nous Défendons Vos Droits ! », « Tremblez, compagnies d’Assurances ! » etc. Oscar est un ancien flic qui avait « entrepris d’attaquer en justice quiconque passait par là » et mourrait d’envie de divorcer d’avec son épouvantable femme, mais s’y était résigné ne pouvant pas se le permettre.
Wally convainc Oscar et le perplexe David d’intenter un procès contre Varrick pour leur soutirer 100 millions de dollars en s’engouffrant dans la brèche du recours collectif. Mais Varrick croit à son Krayoxx et a une armée d’experts pour attester de sa qualité alors que le petit, minable et inexpérimenté cabinet de Chicago se trouve en procès devant un tribunal fédéral pour la première fois. Ils se retrouvent à défendre « une affaire qu’aucun avocat sain d’esprit ne se hasarderait à plaider [et] une cliente qui est dans les choux la moitié du temps ».
Dans « Les Partenaires », Grisham montre qu’il manie magistralement l’humour. Le roman est truffé d’humour noir et les personnages, notamment Finley et Figg, y sont sournois, hautement louches et merveilleusement charismatiques. C’est ce cocktail détonant qui fait la beauté de ce roman.